Métropolitain
Les Illuminations (1875)
Arthur RIMBAUD (1854-1891)

Du détroit d'Indigo aux mers d'Ossian, sur le sable rose et orange qu'a lavé le ciel vineux, viennent de monter et de se croiser des boulevards de cristal habités incontinent par de jeunes familles pauvres qui s'alimentent chez les fruitiers. Rien de riche. — La ville.

Du désert de bitume fuient droit, en déroute avec les nappes de brumes échelonnées en bandes affreuses au ciel qui se recourbe, se recule et descend formé de la plus sinistre fumée noire que puisse faire l'Océan en deuil, les casques, les roues, les barques, les croupes. — La bataille!

Lève la tête: ce pont de bois, arqué; ces derniers potagers; ces masques enluminés sous la lanterne fouettée par la nuit froide; l'ombre niaise à la robe bruyante, au bas de la rivière; ces crânes lumineux dans les plants de pois, — et les autres fantasmagories. — La campagne.

Ces routes bordées de grilles et de murs, contenant à peine leurs bosquets, et les atroces fleurs qu'on appellerait coeurs et soeurs, damas damnant de langueur, — possession de féeriques aristocraties ultra-rhénanes, Japonaises, Guaranies, propres encore à recevoir la musique des anciens — et il y a des auberges qui, pour toujours, n'ouvrent déjà plus; — il y a des princesses, et si tu n'es pas trop accablé, l'étude des astres. — Le ciel.

Le matin où, avec Elle, vous vous débattîtes parmi ces éclats de neige, ces lèvres vertes, ces glaces, ces drapeaux noirs et ces rayons bleus, et ces parfums pourpres du soleil des pôles. — Ta force.



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Métropolitain est un extrait du livre "Les Illuminations (1875)" - CLE

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