Chanson de la plus haute tour
Les Illuminations (1875)
Arthur RIMBAUD (1854-1891)

Oisive jeunesse
A tout asservie,
Par délicatesse
J'ai perdu ma vie.
Ah ! que le temps vienne
Où les coeurs s'éprennent !

Je me suis dit : Laisse,
Et qu'on ne te voie.
Et sans la promesse
De plus hautes joies.
Que rien ne t'arrête,
Auguste retraite.

O mille veuvages
De la si pauvre âme
Qui n'a que l'image
De la Notre-Dame :
Est-ce que l'on prie
La Vierge Marie ?

J'ai tant fait patience
Qu'à jamais j'oublie.
Craintes et souffrances
Aux cieux sont parties
Et la soif malsaine
Obscurcit mes veines.

Ainsi la prairie
A l'oubli livrée ;
Grandie et fleurie
D'encens et d'ivraies ;
Au bourdon farouche
De cent sales mouches.

Oisive jeunesse
A tout asservie,
Par délicatesse
J'ai perdu ma vie.
Ah ! que le temps vienne
Où les coeurs s'éprennent !



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Chanson de la plus haute tour est un extrait du livre "Les Illuminations (1875)" - CLE

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