La muse vénale
Les fleurs du mal (1861)
Charles BAUDELAIRE (1821-1867)

    Ô muse de mon cœur, amante des palais, 
    Auras-tu quand janvier lâchera ses Borées, 
    Durant les noirs ennuis des neigeuses soirées, 
    Un tison pour chauffer tes deux pieds violets ? 
    
    Ranimeras-tu donc tes épaules marbrées 
    Aux nocturnes rayons qui percent les volets ? 
    Sentant ta bourse à sec autant que ton palais, 
    Récolteras-tu l'or des voûtes azurées ? 
    
    Il te faut, pour gagner ton pain de chaque soir, 
    Comme un enfant de choeur, jouer de l'encensoir, 
    Chanter des Te Deum auxquels tu ne crois guère, 
    
    Ou, saltimbanque à jeun, étaler tes appas 
    Et ton rire trempé de pleurs qu'on ne voit pas, 
    Pour faire épanouir la rate du vulgaire.



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La muse vénale est un extrait du livre "Les fleurs du mal (1861)" - CLE

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