La Joue
Blasons, une Anthologie
Eustorg de BEAULIEU (1495-1552)
Très-belle et amoureuse joue
Sur laquelle mon cœur se joue
Et mes yeux prennent leur repas,
Joue faite mieux qu’au compas,
Joue blanche, ou bien claire et brune
Ronde comme un croissant de lune
S’allongeant un peu vers la bouche,
Qu’il me tarde que ne te touche
Et te mesure avec la mienne,
Laquelle chose en bref advienne,
Ainsi que j’en ai le souhait.
Ô joue gaillarde et dehait
De qui tout amoureux fait fête
Contemplant ta beauté parfaite.
Joue de qui le seul pourtrait
Les plus rusés à soi attrait.
Joue que nature illumine
D’un peu de couleur purpurine
À mode de fleur de pêcher,
Pour te vendre aux amants plus cher.
Joue non flétrie ou pendante,
Point grosse, rouge, ou flamboyante,
Ains tenant le moyen par tout.
Joue haïssant – aussi – sur tout
D’user sur soi d’autre peinture
Que de Dieu seul, et de nature.
Joue ne maigre, ne trop grasse,
Mais replète de bonne grâce,
Ne trop pâle, ne noire aussi.
Joue, tu me mets en souci
Comment je te don’rai louange,
Fors que t’appeler : joue d’ange,
Joue d’albâtre, ou cristalline,
Joue que le naturel Pline
Ne saurait au vrai blasonner,
Ou joue que – à bref sermonner –
N’as ne ride, tache ne trace,
Et es le plus beau de la face !