Lay
Jules VERNE (1828-1905)

Courir après la gloire, 
Ce fantôme illusoire,
Ce pic, 
C'est bien follement croire 
Grimper une glissoire
A pic ! 
C'est nier le purgatoire 
Au sein d'un consistoire
Public ! 
C'est sans un vomitoire 
Le mortel poison boire
D'aspic. 
C'est à son auditoire 
Souhaiter le déboire
D'un tic, 
Et c'est d'un géant voire 
Soulever l'écritoire
Sans cric.

Le monde n'est qu'un grand billard, 
Où le joueur le plus habile, 
Gouvernant la bille indocile 
Qu'il dirige dans son écart, 
Gagne l'adversaire débile.

Souvent il manque par hasard 
Le coup de tous le plus facile ; 
Mais si sa fortune vacille, 
Soudain, le feu de son regard 
La fixe et la rend immobile.

Le perdant qui grince des dents 
Devant l'ennemi qui le coule 
Souvent abandonne la foule ; 
Jetant sa queue aux quatre vents, 
Du fleuve il se livre à la houle !

La fortune de bien des gens 
A cette universelle poule, 
Sur le tapis hasardeux roule, 
Et par d'imprévus contretemps 
Dans la blouse se perd, s'écroule !