Poésies - Chant ɪ
Stéphane d'ARC (1966)

Lacrimosa

Par une nuit ce fut je crois. Il chutait de lourds flocons blancs et je portais mon grand manteau gris. Les rues étaient sombres et désertes. J'avais froid. Je savais que tu m'attendais. Le vent cinglait mon visage.

Je suis parvenu à ta grande porte verte. Les marches débordaient de neige. Mes pieds s'y sont enfouis. Je l'ai heurté par deux fois de mon index replié. Alors la porte s'est ouverte; sur un long couloir sans fond. Je n'ai pas franchi le seuil. J'ai appelé ton nom; timidement d'abord, puis je l'ai lancé dans le vide : je me sentais une telle force!

- A ce moment j'ai pensé que ma mère était morte, et je n'ai rien entendu. Peut-être avais-tu répondu mais je n'ai rien entendu.

J'ai tenté un seul pas dans l'ombre. J'avais l'humeur héroïque. J'ai attendu. Peut-être un long temps, peut-être pas; mes yeux trempés du noir qu'ils scrutaient. Tout à coup ma bouche s'est tordue - je m'en souviens -, et j'ai prié sans doute.

- A ce moment j'ai pensé à mon père, mort également, et à ma prière rien ne fut répondu.

Soudain ta robe a éclaté dans la nuit. Je ne voyais pas ton visage, et pourtant mes bras se sont ouverts. Derrière moi la neige étouffait les lumières de la ville. Le voile étincelant a effleuré ma main.

- A ce moment j'ai songé à mes frères et soeurs, morts eux aussi... et ma main a refermé la porte - c'était la gauche je crois.

Et même si chaque nuit

Je suis de larme,

Affrontant sans arme

Toi que j'ai fuie ;

Mon horreur a plus de charme,

Que ta douceur qui m'aurait nui.



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